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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 102

Le jeudi 16 février 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 16 février 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’honorable Sandra Lovelace Nicholas

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à l’une de nos collègues qui nous a récemment quittés un peu plus tôt que prévu, mais d’une manière qui lui ressemble tout à fait : discrètement, sans tambour ni trompette, mais après avoir laissé sa marque.

Bien qu’elle ait demandé qu’on ne lui réserve pas de période officielle pour lui rendre hommage, je tiens à m’assurer que le départ à la retraite de la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas ne passe pas inaperçu. Elle a été une ardente défenseuse des droits des femmes et des filles autochtones, avant d’être nommée au Sénat et à titre de sénatrice. Ce n’est certainement pas un euphémisme de dire qu’elle a été une véritable pionnière. Elle a reçu l’Ordre du Canada en 1990, et le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » en 1992. S’il est vrai qu’elle nous manquera, je suis profondément reconnaissante d’avoir pu siéger à ses côtés et d’avoir pu apprendre à son contact.

Malécite de la Première Nation de Tobique, au Nouveau-Brunswick, la sénatrice Lovelace Nicholas a été la première femme autochtone à représenter le Canada Atlantique au Sénat. Au moment de sa nomination, en 2005, elle était déjà bien connue. Son nom sera assurément associé à jamais à l’amélioration des droits des femmes et des filles autochtones, puisqu’il figure dans le nom de l’affaire qui s’est rendue au Comité des droits de l’homme des Nations unies, en 1981, l’affaire Lovelace c. Canada. La décision rendue en sa faveur dans cette affaire a été l’élément déclencheur de nombreuses années de travail visant à modifier la Loi sur les Indiens pour mettre fin à la discrimination qui touchait les femmes et les enfants des Premières Nations. En compagnie de collègues comme l’ancienne sénatrice Lillian Dyck, la sénatrice Lovelace Nicholas a continué d’exiger des modifications à la Loi sur les Indiens et d’attirer notre attention sur cette injustice qui perdure. Voici ce qu’elle avait dit au Sénat dans le cadre du débat sur le projet de loi S-3 :

[...] le Canada ne peut pas dissocier la discrimination qui a cours à l’encontre des femmes autochtones aux termes de la Loi sur les Indiens de l’actuelle crise des droits de la personne que constitue le drame des femmes autochtones assassinées ou disparues.

Ses paroles tombaient à point nommé, puisqu’elle les a prononcées au début du processus de consignation de la vérité de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, un autre dossier pour lequel elle s’est battue.

Honorables sénateurs, seulement neuf femmes autochtones ont été nommées au Sénat du Canada, mais même si la sénatrice Lovelace Nicholas a pris sa retraite, la moitié d’entre elles — cinq — siègent toujours au Sénat. Voyant ce progrès et connaissant les sénatrices qui représentent maintenant ces voix, je n’ai aucun doute que les causes que la sénatrice Lovelace Nicholas faisait valoir inébranlablement continueront d’être habilement défendues.

La sénatrice Lovelace Nicholas a prononcé son premier discours au Sénat en l’honneur de la Journée internationale des femmes. Elle a alors livré une déclaration concernant le décès de Mavis Gores, une autre femme de la Première Nation de Tobique qui luttait pour l’égalité hommes-femmes. Les paroles prononcées par la sénatrice Lovelace Nicholas à l’époque semblent tout aussi appropriées pour décrire la sénatrice elle-même :

Honorables sénateurs, n’eut été de la force des femmes des Premières nations et des organisations féminines du Canada tout entier, une femme qui ne pensait pas avoir de voix n’aurait pas pu accomplir ce qu’on estimait à l’époque être impossible : réussir à faire modifier la législation fédérale.

Vos voix ont certainement été entendues.

Woliwon, Sandra, merci. Merci d’être qui vous êtes. Vous nous manquerez.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Ander Gil, Président du Sénat du Royaume d’Espagne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès d’Hazel McCallion, C.M.

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, il y a deux jours, des milliers d’amis, d’admirateurs, de dignitaires et de citoyens de Mississauga et d’ailleurs se sont réunis pour rendre hommage à une femme extraordinaire, Son Honneur madame Hazel McCallion, qui est décédée le 29 janvier à l’âge de 101 ans.

Hazel McCallion a été la mairesse de Mississauga pendant 36 ans, de 1978 à 2014, et a aisément remporté 12 élections. Elle a occupé son poste jusqu’à l’âge de 93 ans. Elle a bâti la ville de Mississauga à partir de trois petits cantons, de pâturages et de prés paisibles, pour en faire l’une des localités les plus importantes, les plus agréables à vivre et les plus prospères du pays.

La mairesse McCallion était tout un personnage, une force de la nature dotée d’une forte personnalité, et j’ai été très heureuse d’apprendre à la connaître. Elle a fait ses débuts en politique après avoir déménagé avec son mari Sam dans une petite localité située à l’ouest de Toronto, Streetsville, qui a fini par être incorporée à Mississauga. Après avoir été mairesse de Streetsville et conseillère municipale, elle s’est présentée pour la première fois à la mairie de Mississauga contre un candidat sortant populaire en 1978, et elle a gagné. Elle n’était en poste que depuis quelques mois lorsqu’un train du Canadien Pacifique transportant des produits chimiques toxiques a déraillé, entraînant des explosions et des déversements de produits chimiques. Mme McCallion a supervisé avec brio l’évacuation de 200 000 résidants de Mississauga, ce qui lui a valu des éloges et une renommée considérables, et elle n’a jamais regardé en arrière.

Ses admirateurs l’ont surnommée « l’ouragan Hazel », en référence à sa capacité à accomplir de grandes choses, notamment en matière de développement, de réseaux de transport en commun et d’infrastructures. Elle avait le sens pratique et c’était une excellente communicatrice.

En tant que sondeuse, j’ai toujours admiré ses taux d’approbation extraordinaires qui, à ma connaissance, étaient plus élevés que ceux de n’importe quel premier ministre au pays. Lors d’une assemblée publique où l’on discutait de la satisfaction par rapport aux services municipaux de Mississauga, on l’a informée que son taux d’approbation s’élevait à 95 % et son taux de désapprobation, à 2 %. « Deux pour cent des citoyens ne sont pas satisfaits, a-t-elle dit, et je les connais tous les deux. » Oui, elle pouvait compter sur les doigts d’une main ses détracteurs.

Hazel McCallion a reçu une multitude d’honneurs au cours de sa vie, y compris l’Ordre du Canada, l’Ordre de l’Ontario et un doctorat honorifique en droit de l’Université de Toronto. D’ailleurs, j’ai fait connaissance avec la mairesse quand À voix égales, un groupe qui promeut la participation des femmes en politique, lui a décerné son prix EVE. Cette journée-là, en 2007, l’hôtel Royal York était bondé de gens présents pour son discours. Toutes les fois que je l’ai rencontrée par la suite, elle ne laissait jamais passer l’occasion de me dire à quel point ce prix lui tenait à cœur, ainsi qu’à quel point il était important pour elle d’être considérée comme un modèle pour les femmes en politique.

C’est certainement ce qu’elle était. Une chose est certaine : elle nous rappelait que les politiciennes ont des styles et des points de vue différents, que les femmes qui ont réussi ne sont pas fondues dans un moule unique et que nous pouvons être fidèles à nous‑mêmes. J’aimais son iconoclasme fougueux. On la surnommait « l’ouragan Hazel » et, pour moi, c’était une véritable force de la nature. Merci.

(1410)

Les clubs 4-H du Canada

Le cinquantième anniversaire du Congrès sur la citoyenneté

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, juste après la septième édition fort réussie du Jour de l’agriculture canadienne, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui au Sénat pour vous informer que les clubs 4-H du Canada organisent leur 50e Congrès sur la citoyenneté, un événement annuel. Bien entendu, il y a eu quelques soubresauts ces dernières années à cause de la COVID, mais, depuis 50 ans, une multitude de membres se sont réunis à Ottawa pour en apprendre davantage sur la citoyenneté et le gouvernement. Devant les difficultés et les changements au fil de ces 50 ans, l’équipe des 4-H du Canada a constamment fait preuve de résilience et d’intuition, en plus d’inclure l’innovation dans sa programmation.

Cette semaine, de jeunes délégués des clubs 4-H du Canada de partout au pays sont réunis à Ottawa pour développer leurs aptitudes en matière de travail d’équipe, de communications, de collaboration, de leadership et de résolution de problèmes. L’organisation continue de permettre à tous ses membres de perfectionner ces aptitudes importantes, tant dans leur vie personnelle que dans leur vie professionnelle, au moyen de l’ensemble des programmes qu’elle offre.

Établi en 1972 pour donner l’occasion aux membres des clubs 4‑H de se réunir, le Congrès sur la citoyenneté accueille 55 délégués à Ottawa cette semaine. Je leur souhaite la meilleure des chances pour les prochains jours alors qu’ils participent à de nombreux événements importants. Leur travail assidu et leur détermination continuent d’inspirer de nombreuses personnes, moi y compris.

À titre d’information, le point culminant du congrès aura lieu dimanche, à midi, lorsque les délégués entreront au Sénat pour débattre de la résolution suivante :

Il est résolu que le gouvernement du Canada tienne les plateformes [de réseaux sociaux] en ligne responsables des publications [relevant des discours haineux ou de la mésinformation] faites par leurs utilisateurs.

Au cours des prochains jours, ils prépareront le débat, que j’ai hâte de pouvoir écouter ce jour-là.

Ces délégués et les membres des 4-H de partout au Canada représentent notre avenir, ainsi que l’avenir de l’agriculture canadienne et l’avenir de nos collectivités urbaines et rurales. Honorables collègues, je puis vous assurer que l’avenir est brillant.

J’accueillerai avec un intérêt particulier trois personnes venant d’Ontario, Annalise Lilbourne, Caitlin McKercher et Ethan Russell, ainsi que leur accompagnatrice Judy Hall, quand je verrai le groupe ce soir, lors d’une réception parlementaire dans l’édifice Sir‑John‑A.-Macdonald.

Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi à la réception de ce soir pour rencontrer ces jeunes gens remarquables et beaucoup d’autres représentants des 4-H du Canada. Merci, meegwetch.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la Dre Nasim Mitha. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les maisons de Jellybean Row à Terre-Neuve

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, dans ma jeunesse, j’ai souvent bénéficié des sages conseils de ma chère maman, qui me surveillait toujours d’un l’œil attentif. Elle m’a notamment dit : « Fabian, reste dans le droit chemin; il y a déjà beaucoup trop de monde qui emprunte l’autre. » Je suis sûr que beaucoup d’entre vous ont déjà entendu cet autre conseil : « Dans un monde où l’on peut être tout ce que l’on veut, choisis d’être bienveillant. »

C’est dans cet esprit que j’ai le plaisir de vous présenter le chapitre 72 de « Notre histoire ». Si vous trouvez mes histoires intéressantes, tant mieux, et si pour une raison ou une autre ce n’est pas le cas, j’espère que vous aimerez le reste de votre journée.

Mes amis, de nombreuses personnes qui visitent Terre-Neuve-et-Labrador sont frappées par la beauté sauvage de notre coin de pays, par le parfum de l’eau salée et par la chaleur et l’hospitalité des gens qui y vivent.

Nombreux sont ceux qui remarquent les maisons colorées, en particulier celles qui se trouvent sur les collines qui bordent le port de St. John’s. Elles servent souvent de toile de fond à de nombreux photographes, réalisateurs de films, cérémonies de mariage et ainsi de suite. On surnomme affectueusement ces maisons-bonbons « Jellybean Row ». Elles constituent une attraction touristique majeure avec leurs couleurs éclatantes : rouge, bleu, jaune, vert, orange et toutes les belles et vives couleurs de l’arc-en-ciel.

En 1863, la quincaillerie Templeton’s ouvre ses portes au centre-ville de St. John’s. Environ 50 ans plus tard, le propriétaire de l’époque, John Templeton, et son frère, David, découvrent de vieilles palettes de couleurs au sous-sol du magasin. Ils savent aussitôt qu’ils doivent faire part de leur découverte. Ils s’adressent donc à la Heritage Foundation of Newfoundland and Labrador.

Cette collaboration quelque peu surprenante donnera naissance au projet Heritage Paint Colours of Newfoundland and Labrador. L’idée est assez simple; il faut donner à ces palettes de couleurs des noms qui représentent bien cet endroit où nous vivons. On confie la tâche à Lara Maynard, de la Heritage Foundation. Elle dit vouloir choisir des noms qui rendraient hommage le mieux possible aux paysages, mais aussi à la langue de la région. Avec des noms tels que Little Heart’s Ease, Charmer, Mussels in the Corner et Bristol’s Hope, elle a très bien su rendre compte de notre histoire, de notre culture et de notre mode de vie particulier.

Il y a un autre élément de notre folklore qui, selon moi, raconte une autre histoire plus romantique sur la création de « Jellybean Row ». La légende dit qu’aux premiers temps, les eaux au large de nos côtes attiraient les pêcheurs qui souhaitaient exploiter les richesses de cette mer qui, selon Jean Cabot, était fort poissonneuse. C’était avant que des gens réunis ici, à Ottawa, prennent le contrôle des pêches, mais c’est une autre histoire.

Comme vous pouvez le comprendre, les pêcheurs devaient passer de longues et dures journées en mer et, à leur retour, ils étaient souvent confrontés à un lourd voile de brouillard au-dessus du port, ce qui n’était pas nécessairement la meilleure condition pour voir leurs maisons sur la colline. Par conséquent, les pêcheurs ont peint leurs maisons de ces couleurs vives et éclatantes pour les rendre plus visibles. Ainsi, les maisons se distinguaient et brillaient sur la toile de fond froide et grise du brouillard. C’est l’histoire que je préfère.

Quelle que soit l’histoire de la création de « Jellybean Row » que vous choisissiez de croire — je vous laisse décider —, je vous encourage à venir la voir par vous-même. Le fait est que beaucoup de gens aiment s’y rendre, observer et vivre ce phénomène visuel, et profiter de son caractère unique. Je vous garantis qu’une promenade dans les rues bordées de ces maisons aux couleurs audacieuses et dépareillées vous remontera le moral, même lors des journées les plus mornes. Nous pourrions tous bénéficier de cela.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Andrii Bukvych, chef de mission adjoint et ambassadeur adjoint de l’ambassade d’Ukraine au Canada, et de Tetyana Girenko, conseillère juridique et agente de liaison parlementaire. Ils sont les invités des honorables sénateurs Deacon (Nouvelle-Écosse) et Kutcher.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le soutien à l’Ukraine

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, c’est aujourd’hui le 359e jour de l’invasion illégale et génocidaire de l’Ukraine par la Russie. De nombreux experts n’auraient pas prédit que l’Ukraine se serait montrée aussi capable de se défendre face à un adversaire aussi redoutable.

Réfléchissons un peu à la réalité de cette défense. Au moment de l’invasion, l’armée russe était la cinquième plus grande du monde; celle de l’Ukraine se classait au 25e rang. En 2021, la Russie avait quatre fois plus de personnel militaire, six fois plus de chars d’assaut, une flotte navale 16 fois plus importante, 15 fois plus d’artillerie et 4 200 avions, alors que l’Ukraine n’en avait que 310. Mais, comme nous le savons, l’Ukraine avait des tracteurs.

Tout le monde ici a vu les images mémorables de tracteurs ukrainiens remorquant des chars d’assaut russes hors d’usage. Le tracteur est devenu le symbole d’un peuple qui se bat farouchement et efficacement pour sa terre, pour sa vie et pour son existence même. Il s’agit de soldats bien entraînés, c’est certain, mais aussi de gens ordinaires, qui accomplissaient leurs tâches quotidiennes jusqu’à ce que les bombes commencent à pleuvoir. Le monde est stupéfait par leur ténacité, leur résilience, leur héroïsme et leur sacrifice.

Comme le président Zelenski aurait dit, lorsqu’on lui a proposé de se réfugier à l’extérieur de l’Ukraine : « C’est ici que se déroule le combat; j’ai besoin de munitions, pas d’un transport. »

Incapable d’obtenir une victoire militaire, la Russie a mené des attaques génocidaires contre des civils en ciblant de ses bombes des habitations, des hôpitaux, des écoles et des garderies. Ses soldats ont détenu, torturé et tué des centaines de personnes innocentes. Ils ont enlevé des milliers d’enfants et les ont envoyés en Russie. Reuters estime que plus de 40 000 personnes ont été tuées et plus de 50 000 blessées, que plus de 15 000 personnes ont disparu et que plus de 14 millions ont été déplacées.

Le Canada, les autres membres de l’OTAN et d’autres pays fournissent un soutien considérable, notamment sous forme d’armes, d’infrastructure, de fournitures médicales et d’expertise. Ce soutien concret est essentiel, mais le soutien moral est tout aussi important : il faut dire aux gens de l’Ukraine que nous sommes à leurs côtés.

En tant que sénateurs, nous avons l’occasion d’exprimer notre solidarité et notre gratitude grâce au travail du sénateur Colin Deacon et de deux participantes du Programme parlementaire Canada-Ukraine : Vladyslava Aleksenko, qui a défendu l’idée que les sénateurs canadiens pourraient signer un drapeau canadien qui serait remis au Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada, et Alyona Palyenka, qui nous a remis un drapeau ukrainien signé par des soldats placés en première ligne à Bakhmut.

Je vous invite à signer le drapeau canadien qui se trouve dans notre salle de lecture, si ce n’est déjà fait. Le message dit en ukrainien « Ukraino, mi z teboju », c’est-à-dire « Ukraine, nous sommes avec vous ». Les combats en Ukraine ne visent pas uniquement à défendre l’Ukraine, mais bien les valeurs qui sous‑tendent notre mode de vie démocratique.

Wela’lioq. Merci.

Des voix : Bravo!

(1420)

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner et célébrer le Mois de l’histoire des Noirs, ainsi que pour souligner les importants changements et progrès que le Canada a vécus ces dernières années et qui en ont fait un pays plus inclusif qui valorise les Canadiens noirs et leur rend hommage.

Je songe à la décision de mettre le visage de Viola Desmond sur les billets de 10 $. Ce visage indique à tous les Canadiens qu’elle représente ce que l’on considère être ce qu’il y a de mieux dans notre pays.

Je songe à la reconnaissance de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations unies et à la façon dont ce moment a marqué le début d’une approche pangouvernementale visant à admettre l’existence du racisme envers les Noirs, à s’y attaquer et à le changer.

Je songe aux excuses présentées à l’été de 2022 aux descendants des membres du 2e Bataillon de construction de Truro, en Nouvelle‑Écosse, excuses auxquelles j’ai eu l’honneur d’assister. Notre pays a enfin reconnu la valeur et la bravoure de leurs ancêtres, nos héros.

Je songe enfin aux innombrables Canadiens, dans les villes et les municipalités d’un bout à l’autre du pays, qui ont investi d’innombrables heures et des efforts incommensurables afin que ces changements et ces progrès portent leurs fruits.

C’est à eux, plus qu’à toute autre personne, que revient le mérite de ces progrès.

Fait intéressant, chers collègues, depuis peu, de nombreux jeunes gens parlent du Mois de l’histoire des Noirs comme du mois de l’avenir des Noirs. Notre histoire est riche, c’est évident. Le présent est encourageant et l’avenir est brillant.

Le 7 février dernier, le Groupe canado-africain du Sénat a été l’hôte de la première réception pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs. L’événement s’est déroulé dans l’édifice du Sénat sous la direction du Président Furey. Je tiens d’ailleurs à le remercier d’avoir parrainé ce projet. Je remercie aussi tous les sénateurs qui y ont assisté, sans oublier nos invités, notamment la très honorable Michaëlle Jean ainsi que d’autres personnes noires émérites qui agissent comme leaders dans la société canadienne.

Le clou de la soirée a été une allocution spectaculaire de Nonso Morah, une artiste spécialisée dans le « spoken word ». J’aimerais terminer mon intervention en vous offrant une citation de cette jeune femme. Son talent me nourrit d’espoir pour notre avenir collectif. Malgré mes efforts, je doute de pouvoir rendre justice à son œuvre merveilleuse, que voici :

Chère enfant,

Quand l’histoire qu’on t’enseigne cherche à t’exclure,

Proclame-toi fille du lion.

Prends la plume sous son impulsion.

De ton héritage fais-toi une armure.

Suis l’appel sauvage de ta culture.

De ton futur.

Écris le vrai comme le monde doit le voir.

Pas juste en noir, mais en pouvoir.

Pas en défaite, mais en victoire.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (C)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2022-2023.

Le Budget des dépenses de 2023-2024

Dépôt du Budget principal des dépenses

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget principal des dépenses de 2023-2024.

Les finances

Les dépenses fiscales fédérales de 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur les dépenses fiscales fédérales de 2023.

[Traduction]

Agriculture et forêts

Budget et autorisation de se déplacer—L’étude sur l’état de la santé des sols—Adoption du huitième rapport du comité

L’honorable Robert Black, président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le jeudi 16 février 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 26 avril 2022 à examiner pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024 et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux autorisé à :

a) voyager à l’intérieur du Canada.

Le budget initial présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et le rapport de ce comité ont été imprimés dans les Journaux du Sénat le 9 juin 2022. Le 9 juin 2022, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 21 826 $ au comité.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

ROBERT BLACK

(Le texte du budget figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1270.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur Black : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Puis‑je poser une question au sénateur avant que nous demandions le consentement?

Son Honneur le Président : Oui, allez-y.

Le sénateur Plett : Sénateur Black, je crois que ce rapport concerne un déplacement à Guelph. Comme il s’agissait d’une réunion publique et non, comme les traducteurs de notre comité aiment à le dire, d’une réunion secrète, il a été discuté que vous aviez demandé une certaine somme d’argent, qui a été réduite de moitié, je crois. Ce rapport reflète-t-il ce que le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a approuvé ce matin ou ce que vous avez demandé?

Le sénateur Black : Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, lors de la préparation d’un budget de déplacement, les greffiers des comités pèchent par excès de prudence. Par conséquent, la demande que nous avons envoyée était prudente.

Après ma comparution devant le Comité des budgets du Sénat la semaine dernière, les membres du sous-comité ont réduit de 12 à 9 sénateurs le nombre de participants et ont supprimé les coûts associés à l’interprétation. Ainsi, seules neuf personnes feront le déplacement et nous n’offrirons pas de services d’interprétation au comité pour ce déplacement.

Sachant que le déplacement arrive rapidement, nous devons nous procurer les billets et ce dont nous avons besoin. Ce rapport rend compte du montant le moins élevé.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

[Français]

Le Budget des dépenses de 2023-2024

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget principal des dépenses

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

(1430)

ParlAmericas

Le Sommet des Amériques, tenu du 6 au 8 juin 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant le neuvième Sommet des Amériques, tenu à Los Angeles, aux États-Unis, du 6 au 8 juin 2022.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Les travaux du comité

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, j’aimerais poser une question, si possible, à la présidente du Comité sur l’éthique, la sénatrice Seidman. Acceptez-vous de répondre à une question?

L’honorable Judith G. Seidman : Oui, sénatrice.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.

Sénatrice Seidman, permettez-moi d’abord de m’excuser d’avoir pris la parole pour poser cette question, sans me rendre compte que vous aviez été retardée par une autre réunion. Je tiens à vous assurer que je ne voulais pas vous manquer de respect. J’ai commis une erreur.

Je tiens également à souligner que le Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs est l’un des cinq comités sénatoriaux qui sont habilités à agir de leur propre initiative, sans ordre de renvoi préalable du Sénat.

Ayant reconnu que le comité est chargé de mener, de son propre chef, l’examen et l’étude de toutes les questions relatives au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, j’ai soumis une lettre à votre réflexion il y a quelque temps afin d’attirer votre attention sur le code d’éthique actuel. Cette lettre faisait suite aux communications que j’ai envoyées au comité au fil des ans depuis que je siège au Sénat.

Cette lettre est datée du 24 février 2022. Elle a été envoyée à vous, en tant que présidente, au vice-président, à tous les membres du comité, à la greffière du comité et au conseiller sénatorial en éthique.

Ainsi, j’ai demandé au comité de l’éthique d’entreprendre une étude sur le code d’éthique et j’ai proposé huit thèmes possibles, dont les exigences actuelles en matière de divulgation financière, l’examen des revenus provenant de conseils d’administration ou de cabinets d’experts-conseils externes, et les protocoles de transparence et de déclaration du conseiller sénatorial en éthique, notamment les protections et les droits procéduraux des non‑parlementaires visés par de telles enquêtes. J’ai également recommandé de rédiger des annotations au code afin d’en améliorer la clarté et d’en faciliter la compréhension, compte tenu du nombre de sénateurs qui ont été nommés récemment.

J’ai soulevé les mêmes questions dans le cadre de mon interpellation no 6, qui est maintenant terminée.

Sénatrice Seidman, j’aimerais savoir si le comité se penchera sur cette proposition d’étude. Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Merci, sénatrice, de votre question. Comme vous le savez, le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs tient toutes ses séances à huis clos en raison de la nature très confidentielle de ses travaux. Par conséquent, je ne peux pas répondre de façon détaillée à votre question. Cependant, je peux y répondre de façon générale. J’espère que cela sera utile.

En réponse à votre première question, le Comité sur l’éthique reçoit régulièrement des lettres, auxquelles nous répondons toujours rapidement pour que la personne sache que sa lettre ou sa demande a été reçue et que le comité l’examinera. Je n’ai aucun doute que vous avez reçu une telle réponse.

Deuxièmement, en ce qui a trait à votre demande de modifications, le comité étudie régulièrement des modifications au code qui lui sont proposées par des sénateurs ou par d’autres personnes. Cependant, ce travail est fréquemment interrompu par des demandes urgentes qui exigent une attention prioritaire, comme les sénateurs le comprennent sûrement. En fait, le Comité sur l’éthique a un programme d’examen régulier du code, et il émet de temps en temps des demandes d’avis auprès des sénateurs et d’autres personnes.

Vous avez pu constater les résultats de cette façon d’examiner les suggestions parce qu’il faut toujours les présenter au Sénat, en débattre et les mettre aux voix. C’est le résultat de nos rapports au Sénat. J’en ai moi-même présenté plusieurs en tant que présidente du comité.

J’ajouterais même qu’on nous a dit que le code d’éthique du Sénat du Canada était l’un des plus robustes au monde et qu’il servait de modèle à d’autres assemblées législatives.

Les modifications que le Sénat y a apportées jusqu’à maintenant — il y en a eu un bon nombre d’assez importantes dans les dernières années — se voulaient vraiment constructives; cela devrait rassurer les sénateurs. La mise à jour du code est un processus permanent; les sénateurs continuent de nous envoyer des suggestions. Le travail se poursuivra lorsque nous en aurons le temps, évidemment, et nous présenterons des rapports au Sénat.

J’espère que ma réponse vous est utile, madame la sénatrice. Merci.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges. J’appuie le projet de loi et j’en recommande l’adoption au Sénat.

D’emblée, je dois préciser que j’ai eu l’avantage considérable d’examiner un document inédit rédigé par mon collègue et ami du domaine de l’éthique juridique et judiciaire, le professeur Richard Devlin, de la Faculté de droit Schulich de l’Université Dalhousie. Le professeur Devlin est l’un des plus éminents spécialistes du domaine de l’éthique juridique et judiciaire au Canada et il a produit en très peu de temps une savante analyse du projet de loi qu’il pourra, je l’espère, communiquer à un public élargi. Je tiens à préciser que mes observations d’aujourd’hui ne reflètent pas nécessairement son opinion, mais je crois que lui et moi avons des points de vue similaires sur le projet de loi.

À titre de parrain du projet de loi C-9, le sénateur Dalphond a souligné, dans son excellent discours de la semaine dernière, que le projet de loi vise à moderniser le processus de traitement des plaintes d’inconduite impliquant des juges d’instance supérieure au Canada. À mon avis, le projet de loi C-9 s’inscrit dans un processus constant de modernisation, de rehaussement de nos exigences à l’égard des juges, mais aussi d’amélioration des mécanismes visant la responsabilité de la magistrature.

Une des étapes de ce processus a été, en 2021, l’adoption par le Conseil canadien de la magistrature des Principes de déontologie judiciaire modernisés, qui constituent, à mon avis, un riche énoncé sur — comme le dit le professeur Daniel Jutras, un conseiller du groupe — l’identité éthique d’un juge.

La version modernisée de ces principes établit de nouvelles attentes explicites à l’égard des juges en ce qui concerne, entre autres, la compétence, le respect des participants au processus judiciaire, les relations avec le public, les attentes à l’égard des juges et de leurs bureaux en matière de harcèlement, et plus encore.

En ce qui concerne le processus disciplinaire à appliquer aux juges, comme l’a souligné le sénateur Dalphond, ce sujet a tourmenté la magistrature et le public canadien pendant quelques décennies. Le projet de loi C-9 adopte un certain nombre de principes pour élaborer un processus disciplinaire moderne dans le cadre duquel les plaintes peuvent être examinées. Je concentrerai mon propos sur quatre aspects de ce processus : l’indépendance, la responsabilité, l’efficacité et la transparence des juges.

Avant de poursuivre, je voudrais vous raconter deux histoires qui, à mon avis, illustrent bien comment la conduite des juges et le sentiment de responsabilité des avocats ont des répercussions pour leur clientèle. Ces deux histoires plaident en faveur de ce projet de loi très important.

Lorsque j’étais un tout jeune avocat, dans les affaires de divorces, même si les motifs n’étaient pas contestés, la personne qui demandait le divorce devait comparaître devant un juge de la Cour supérieure et témoigner. J’ai représenté une femme qui demandait le divorce pour cause de cruauté physique. Elle a déclaré dans son témoignage qu’après une dispute, elle avait décidé de quitter son conjoint. Alors qu’elle était en train d’enfiler son manteau pour partir, il lui a demandé : « Où vas-tu? », ce à quoi elle a répondu : « Je te quitte et je vais chercher un appartement ». L’homme lui a assené un coup de poing au visage, la faisant tomber à la renverse. Après son témoignage, le juge m’a demandé pour quels motifs j’accusais l’homme de cruauté physique, et j’ai dit que c’était parce qu’elle avait reçu un coup de poing et avait été renversée. Le juge a répondu : « Il ne s’agit pas de cruauté physique. C’est ce qu’elle méritait. » Puis, il a rejeté sa demande de divorce.

(1440)

J’étais un jeune avocat à l’époque, et je dois dire, bien franchement, que le comportement du juge m’a fait honte. La femme était anéantie par cette décision. Oui, elle aurait pu interjeter appel, mais cela aurait fait traîner les choses en longueur. Nous avons trouvé un moyen de contourner le problème. Je ne savais pas quoi faire, alors je suis allé parler au juge en chef. Il m’a dit qu’il aurait une conversation discrète avec le juge, c’est tout.

J’ai un deuxième exemple un peu plus récent. Je représentais une personne qui avait obtenu un montant de 2 000 $ à la Cour des petites créances. Pour une raison quelconque, l’autre partie a fait appel de la décision. L’affaire a été renvoyée à ce qui était alors la Cour de comté, en Nouvelle-Écosse. Le juge a entendu l’affaire, nous a obligés à présenter un plaidoyer complet à propos de ces 2 000 $ et il a réservé son jugement — autrement dit, il a pris l’affaire en délibéré. J’ai travaillé au service d’aide juridique de l’Université Dalhousie pendant un certain temps. J’ai quitté cet emploi pour retourner travailler à la Faculté de droit de l’Université Dalhousie. Trois ans plus tard, je suis retourné au service d’aide juridique, et le juge n’avait toujours pas rendu de décision sur cette réclamation de 2 000 $. J’ai rencontré le juge en chef de la province : je ne savais pas quoi faire. Il m’a conseillé de ne pas faire de vagues et d’attendre la décision. J’ai attendu. Le juge est mort. J’avais beaucoup d’affection pour ce juge, mais la situation n’aidait pas ma cliente. Nous avions le choix de trouver un moyen de contourner le problème ou de relancer le processus judiciaire.

Ce sont des problèmes frustrants pour un avocat. J’ai perdu bien des affaires, mais très peu de cette manière. Cela dit, c’était extrêmement injuste pour la cliente. La tâche de la cliente, c’est d’obtenir justice dans son affaire, pas de résoudre les problèmes de responsabilité de la magistrature.

Je pense qu’il est juste de dire que les processus précédents ont respecté l’indépendance de la magistrature — ce qui est important, comme j’en parlerai dans un moment —, mais qu’ils ont eu beaucoup moins de succès en ce qui concerne la responsabilité, l’efficacité et la transparence des juges. À mon avis, le projet de loi C-9 permet de continuer à respecter le principe de l’indépendance de la magistrature, tout en améliorant chacun des autres aspects.

Cela dit, bien que j’appuie le projet de loi, il est utile de signaler qu’il ne constitue pas une réussite complète à certains égards, et j’en mentionnerai quelques-uns dans la dernière partie de mes observations. Il est néanmoins utile de dire un mot ou deux sur l’importance de ce projet de loi et sur la façon dont il établit, il me semble, un équilibre délicat. D’une part, il respecte l’indépendance de la magistrature et, d’autre part, il respecte les attentes du public en matière de responsabilité des juges.

Lors de l’examen du projet de loi au comité à l’autre endroit, un député a fait remarquer que les plaintes relatives au système de discipline pour les juges constituent « un sujet pour le moins aride ». Je pense que c’est vrai, mais que c’est extrêmement important, et même plus qu’il n’y paraît.

Au Canada, nous avons la chance d’avoir une magistrature qui est sans doute parmi les plus compétentes et les plus rigoureuses du monde anglophone. Il arrive parfois qu’on désapprouve certaines décisions des juges, mais nous avons quand même grandement confiance en la capacité des juges de rendre des décisions réfléchies et équitables, et ce, dans le cadre d’un processus indépendant et impartial. Nous travaillons fort pour établir des principes et des lois qui garantissent l’indépendance de ce processus décisionnel. Cette façon de protéger et de garantir l’indépendance de la magistrature n’est pas principalement — ni même considérablement — dans l’intérêt des juges. C’est surtout dans l’intérêt de la population, car un processus décisionnel équitable et indépendant est essentiel pour maintenir la confiance du public à l’égard non seulement de la magistrature, mais aussi de l’administration de la justice en général et de la primauté du droit.

Cela dit, cette confiance peut être compromise si le public a l’impression que les juges ne sont pas tenus responsables de leurs actes lorsque leur conduite ne répond pas aux normes qui sont attendues et qui ont été énoncées ailleurs, notamment en ce qui a trait à l’éthique. La confiance du public peut aussi être compromise si les procédures judiciaires sont trop longues — et c’est souvent le cas —, si elles coûtent trop cher à la population ou, surtout, si elles ne sont pas transparentes.

Je pense qu’il est juste de dire qu’historiquement, le processus d’enquête sur l’inconduite des juges et d’imposition de mesures disciplinaires a donné de piètres résultats sur ces trois fronts. Comme l’ont fait remarquer le sénateur Dalphond et d’autres sénateurs, des juges ont manipulé le processus pour en tirer le plus d’avantages personnels et, au bout du compte, éviter toute sanction officielle.

Voici quelques observations sur la manière dont le projet de loi a cherché à remédier à ces problèmes.

La première observation porte sur la transparence. Le projet de loi donne aux gens qui ne sont pas des juges des occasions de participer à certains aspects du processus, tout en préservant soigneusement l’indépendance de la magistrature. Pour ce faire, il établit un équilibre délicat. Il laisse principalement le processus décisionnel lié aux mesures disciplinaires entre les mains des juges, et ceux-ci peuvent recommander au ministre de la Justice de démettre le juge de ses fonctions en vertu de l’article 99 de la Constitution.

Des non-juristes et des avocats jouent un rôle dans certains aspects du processus disciplinaire à l’étape du comité d’examen, ainsi qu’à l’occasion des deux types de comités d’audience créés dans ce projet de loi : le soi-disant comité d’audience restreint et le comité d’audience plénier. Ce dernier a lieu à la fin du processus dans les cas d’allégations d’inconduite grave. Parmi les cinq membres du comité d’audience plénier, par exemple, il y a un avocat et un non-juriste. Les juges continuent de former la majorité du comité chargé de rendre la décision, mais, dans l’ensemble, je crois que c’est nécessaire afin de préserver l’indépendance des juges et de renforcer la confiance du public dans une magistrature indépendante.

Lorsque le dossier atteint l’étape des audiences, celles-ci sont publiques, à de rares exceptions, ce qui accroît la transparence.

Tout comme mon ami le professeur Devlin, j’aimerais que le processus accorde davantage de place aux plaignants, mais ce projet de loi constitue assurément une amélioration par rapport au processus actuel.

En ce qui concerne l’efficacité, le nombre de couches d’examen a été réduit, mais seulement de façon modeste. Le projet de loi vise à créer un processus d’appel qui évitera les voies de révision judiciaire fastidieuses, souvent retardées et très coûteuses que les juges ont empruntées dans le passé. En outre, dans un souci d’efficacité et de réduction des coûts, la pension et la rémunération des juges pourraient être interrompues plus tôt dans le processus, ce qui réduirait l’incitation d’un juge qui risque de graves sanctions à prolonger le processus, car il serait privé de ses droits à la rémunération ou à la pension.

À l’instar du professeur Devlin, j’ai quelques réserves quant à savoir si le nouveau régime permettra d’atteindre des objectifs substantiels sur le plan de l’efficacité, mais je pense que nous pouvons avoir espoir. L’une des modifications qui contribueront à l’efficacité est la clarification des rôles des participants. Sous le régime actuel, le manque de clarté a déjà compliqué les audiences, générant, dans certains cas, des années de retard et d’énormes coûts. Dans le cas d’affaires graves, le nouveau processus s’éloigne d’une démarche inquisitoire — qui comporte une certaine confusion des rôles — pour s’orienter vers une démarche plus accusatoire. En effet, le projet de loi prévoit que l’avocat chargé de présenter l’affaire au juge doit se comporter conformément aux normes et principes qui régissent la conduite des procureurs de la Couronne. Vous voyez le genre.

Enfin, je parlerai de la responsabilité. J’ai assisté à une conférence juridique et judiciaire à Vancouver en 1980, à une époque où les questions entourant le processus disciplinaire de la magistrature n’étaient pas très médiatisées. Lors de cette conférence, on a interrogé un juge de haut rang de la Colombie-Britannique sur la responsabilité des juges. Il a répondu : « La responsabilité? À qui dois-je rendre des comptes? Je suis responsable devant moi-même. »

Le juge qui a donné cette réponse comptait parmi les juges les plus respectés du pays, et je pense que ce qu’il voulait dire, c’est : « Je prends mon travail au sérieux, et je respecte les normes d’éthique et de conduite professionnelles. » Cependant, cette déclaration semblait mettre l’accent sur une approche hautaine et un manque de responsabilité à l’égard du public. Beaucoup de choses ont changé depuis. Les attentes du public en matière de processus disciplinaire pour les juges nous ont amenés là où nous en sommes — ce qui est une bonne chose.

En effet, un certain nombre d’aspects du projet de loi et les changements connexes renforceront la confiance du public, à mon avis.

Le projet de loi C-9 améliore le processus par lequel les plaignants seront considérés. Le processus est plus transparent. Le projet de loi limite la capacité des juges à prolonger le processus et à se jouer du système. Il pourrait être meilleur à certains égards, mais il faut atteindre cet équilibre délicat. Je pense que ce projet de loi le fait bien.

En conclusion, je souhaite soulever deux préoccupations précises qui pourraient faire l’objet d’observations si le comité chargé de l’examen du projet de loi le souhaite.

(1450)

Premièrement, le Conseil canadien de la magistrature pourrait élaborer des politiques qui favoriseraient un meilleur traitement des plaignants. Cette voie d’amélioration est mentionnée dans le projet de loi et est possible. J’espère que nous pourrons transmettre ce message au Conseil canadien de la magistrature.

Une deuxième suggestion nous touche d’un peu plus près. Si j’ai bien compris — les explications du sénateur Dalphond m’ont été précieuses — les juges de la Cour supérieure abandonnent le titre « honorable » lorsqu’ils prennent leur retraite puis, à la suite d’un processus tout à fait obscur pour moi, ils reçoivent de nouveau ce titre. J’imagine qu’une fonction judiciaire fédérale entre en jeu. Il m’apparaît essentiel qu’il y ait une politique précisant qu’un juge qui est démis de ses fonctions ou qui démissionne pour des raisons disciplinaires ne peut pas reprendre le titre d’« honorable ».

Il nous faudrait probablement un processus semblable au Sénat. J’espère que nous l’élaborerons un jour.

En conclusion, bien que j’aie de petites réserves au sujet du projet de loi, il constitue un excellent pas dans la bonne direction, selon moi. J’encourage tous les sénateurs à voter en sa faveur. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur les nouvelles en ligne

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, je n’avais pas prévu prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-18. Toutefois, j’ai cru qu’il serait utile de faire un bref survol du mode de fonctionnement du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, afin que vous puissiez vous faire une idée de ses forces et de ses faiblesses. J’espère que ma petite contribution pourra enrichir la discussion. Je m’excuse à l’avance à tous ceux qui connaissent déjà le sujet.

J’ai intitulé mon discours « Les 12 choses à savoir sur le CRTC avant de se prononcer sur le projet de loi C-18 ».

Je terminerai mon discours en soulignant les lacunes du projet de loi qui, selon moi, mériteraient une attention particulière à l’étape de l’étude en comité.

Comme je déjà l’ai mentionné, j’ai occupé les fonctions de conseiller national du CRTC pendant six ans. C’est le genre d’organisation dont vous pouvez retirer une personne, mais que vous n’arriverez jamais à sortir de la personne. Le CRTC est une organisation fascinante dont les activités ont une incidence directe sur la vie quotidienne des Canadiens. Cela explique la longue liste d’anciens qui, comme moi, continuent de suivre ce qui s’y passe ou trouvent une façon de maintenir les liens.

Afin de garder le contact, j’ai enseigné la réglementation des médias à l’Université Carleton; j’ai été membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision, l’organisme sans but lucratif qui traite les plaintes concernant le contenu offensant diffusé à la radio et à la télévision; et il m’est arrivé de guider des personnes souhaitant participer au processus.

Voici les 12 points dont j’aimerais vous faire part :

Premièrement, le CRTC est établi en vertu de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui décrit brièvement les objectifs et la structure de cet organisme quasi judiciaire. Les deux principales lois que cette agence est chargée de mettre en œuvre sont la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion. Cette dernière sera englobée par le projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne, si celui-ci est adopté. Elle tient aussi compte d’autres mesures législatives, notamment la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles.

Deuxièmement, bien que le CRTC permette la nomination de 13 commissaires, les gouvernements Harper et Trudeau ont maintenu ce nombre à 9, soit un président, deux vice-présidents et six conseillers régionaux. Tous les membres sont nommés par le gouverneur en conseil, c’est-à-dire le Cabinet fédéral, à la suite d’un processus de candidature ouvert.

Les mandats sont d’une durée maximale de cinq ans, et les dates de nomination ont tendance à être échelonnées, de sorte qu’il y a à tout moment une combinaison de conseillers expérimentés et de nouveaux conseillers. Les conseillers viennent d’horizons divers et ont souvent une expérience dans certains domaines de la radiodiffusion ou des télécommunications. Une fois ces nominations effectuées, les conseillers et le conseil fonctionnent de manière indépendante du gouvernement, en suivant les directives de la loi applicable qu’ils doivent mettre en œuvre. La biographie et la durée du mandat de chaque conseiller sont publiées sur le site Web du CRTC.

Troisièmement, ayant mentionné l’indépendance, je dois mentionner que le Cabinet a le pouvoir d’émettre de temps à autre des directives générales au CRTC, comme il l’a fait plus tôt cette semaine en lui demandant de prendre une série de mesures pour favoriser la concurrence dans le domaine des télécommunications. Le Cabinet n’a toutefois pas le pouvoir, par exemple, d’accorder une licence à une entité particulière, ce qui nous ramène à la raison pour laquelle on a créé un organisme indépendant au départ. L’idée était de ne pas laisser les ministres du Cabinet choisir qui obtient une licence et qui ne l’obtient pas.

Quatrièmement, 650 fonctionnaires travaillent pour le conseil, et la plupart possèdent une expertise considérable dans les secteurs d’activité dont l’organisme est responsable. Certains sont des employés de longue date avec beaucoup d’expérience, et d’autres intervenants provenant de l’industrie ou de groupes de consommateurs sont sollicités afin d’obtenir des points de vue de l’extérieur.

Cinquièmement, le CRTC prend habituellement environ 400 décisions par année. Lorsque j’en faisais partie, il y a une vingtaine d’années, il prenait environ 1 000 décisions par année, ce qui indique la réussite des efforts pour réduire la réglementation, donner plus de flexibilité et déléguer des pouvoirs aux employés du conseil afin qu’ils puissent rendre plus de décisions administratives. À mon avis, si beaucoup de problèmes mineurs ont été résolus, les gros problèmes deviennent plus importants et plus complexes.

Sixièmement, les neuf commissaires prennent les décisions de concert, après des délibérations en ligne — que j’appellerais des « délibérations par écrit » — menées avec la population, sauf dans les cas où un groupe plus petit de commissaires est formé en vue de la tenue d’audiences en personne. Ces audiences n’ont lieu que lorsqu’il est question des politiques, d’enjeux plus importants ou de concurrence et elles ne représentent peut-être que 1 % des décisions rendues par le CRTC. Dans la plupart des cas, l’ensemble des commissaires prend une décision à partir des délibérations par écrit.

Septièmement, presque tous les jours de la semaine, le conseil fait deux types d’annonces sur la page intitulée « Nouvelles du jour ». Tout d’abord, le public est invité à formuler des commentaires sur les demandes soumises, puis les décisions rendues sont communiquées. Je pense que ces annonces font de ce site Web l’un des plus actifs du gouvernement du Canada.

Huitièmement, chaque décision est prise en fonction d’un processus public, ce qui signifie que les demandeurs doivent tout exposer au public. De plus, tous les commentaires, qu’ils soient favorables ou non au demandeur, doivent être rendus publics. Le conseil peut seulement utiliser des renseignements du domaine public pour prendre une décision.

Je dois vous dire que, au début, j’ai eu du mal à m’habituer à ce processus parce que, habituellement, je m’empare de toute l’information que je peux trouver. Cependant, dans le cadre de ce processus, si je veux insérer quelque chose, je dois le divulguer publiquement dès le début.

Il arrive parfois que le conseil inclue des recherches internes ou externes préparées pour une affaire particulière ou renvoyant à d’autres renseignements accessibles au public. Tout cela vise à éviter les discussions privées ou les tractations occultes avec les demandeurs. À de rares occasions, des renseignements commerciaux de nature concurrentielle peuvent demeurer confidentiels.

Cela dit, les discussions entre les conseillers et le personnel pour rendre la décision, une fois que l’audience est terminée, sont toutes confidentielles ou ont lieu à huis clos. J’imagine que c’est pour permettre à tous les participants de parler ouvertement et franchement, un peu comme les discussions du Cabinet ou celles qui portent sur des documents juridiques. Voici comment fonctionne le processus : le personnel prépare une analyse des enjeux et recommande une ou des décisions aux membres du conseil. Tantôt ces derniers acceptent les recommandations, tantôt ils en acceptent une partie ou les rejettent complètement pour aller dans une autre direction. Le personnel fournit tout de même des renseignements et des analyses très professionnels aux conseillers. C’est la responsabilité des conseillers de prendre la décision ultime.

Je dois vous dire que ces documents internes étaient parmi les documents les plus analytiques, les plus professionnels et les plus intéressants que j’aie lus quand j’y travaillais — ou peut-être de ma vie — et je regrette qu’ils ne puissent pas être exposés au grand jour, à l’extérieur de l’édifice du conseil.

(1500)

Par conséquent, ma suggestion serait de rendre ces documents entièrement ou partiellement publics à la suite de la prise de décision, afin que le public puisse prendre connaissance de ces analyses très complètes, ce qui améliorerait la transparence de la prise de décision.

Le dixième point consiste à offrir une aide financière aux intervenants, qu’il s’agisse de particuliers ou d’organismes sans but lucratif, ce qui permettrait au CRTC de rétablir un équilibre entre les interventions bien financées des grandes sociétés et les voix des Canadiens ordinaires.

Le onzième point est de doter le CRTC d’un éventail de politiques et de types de décisions. J’intitule ce point « Que fait le CRTC? Que publie-t-il? » En matière de radiodiffusion, il prend des décisions pour créer un train de politiques traitant, par exemple, de la télédiffusion au Canada, de la radio de campus, de la concurrence au pays et dans les petits marchés, de la radiodiffusion francophone, de la représentation non sexiste des personnes, de la représentation de la diversité, de la radiodiffusion autochtone et de la diffusion en ligne. Il publie également ses décisions à l’issue du processus de traitement des demandes de licence.

En matière de télécommunications, les décisions portent sur l’efficacité des services de téléphonie, Internet, la concurrence, l’abordabilité et les droits des consommateurs. De plus, le CRTC prend ses propres règlements sur un éventail de sujets.

Enfin, passons au douzième point. Le CRTC a aussi délégué à l’externe une partie de ses responsabilités tout en assurant une supervision afin que l’industrie ou les collectivités puissent intervenir directement. C’est notamment le cas pour la gestion des fonds destinés au développement d’émissions, qui sont financés par des entreprises de câblodistribution et de communication par satellite, par exemple, et qui sont gérés par des organismes à but non lucratif, comme le Fonds des médias du Canada. Ces acteurs fonctionnent de manière indépendante par rapport au CRTC, mais mettent en œuvre les lignes directrices générales pour promouvoir le contenu produit au Canada, ce qui est souvent appelé le « contenu canadien ». Je préfère toutefois parler de « contenu produit au Canada » parce qu’il s’agit dans les faits d’une politique touchant la culture, les emplois et l’industrie.

En ce qui concerne les plaintes, le CRTC a autorisé des processus d’autoréglementation : les entreprises de radiodiffusion peuvent ainsi gérer les plaintes du public à propos du contenu offensant, et les entreprises de télécommunications ont accès à un processus pour gérer les problèmes liés aux prix et aux coûts.

En toute transparence, je suis bénévole au Conseil canadien des normes de la radiotélévision depuis plusieurs années, et je suis en ce moment membre des comités décideurs et président du comité des nominations. Je signale que j’ai demandé au conseiller sénatorial en éthique s’il était approprié que je continue à jouer ce rôle. Encore une fois, je souligne que j’occupe ces fonctions à titre de bénévole. Je n’ai aucun lien avec des sociétés de radiodiffusion et je n’en détiens aucune.

Je pourrais évidemment en dire beaucoup plus sur le CRTC et son travail, mais je crois que ces 12 points sont les plus pertinents, directement et indirectement, dans le cadre de notre examen du projet de loi C-18.

Permettez-moi maintenant de faire quelques observations sur le projet de loi. Comme beaucoup d’autres, ce projet de loi présente une énigme, ce qui n’est peut-être pas inhabituel dans l’élaboration des lois. J’ai déjà été chargé de la réglementation, comme je viens de le dire, et je crois fermement aux avantages que la réglementation peut apporter, mais je suis également bien conscient qu’il y des règlements inutiles ou de la surréglementation.

Cela dit, je pense que le risque de ne rien faire pour aider les journaux dans ce nouveau monde de médias en ligne puissants et omniprésents est plutôt préoccupant. Beaucoup trop de journaux ont déjà cessé leurs activités, et l’avenir de ce moyen de communication est sur la corde raide.

Il s’agit du droit des gens à être informés et divertis par et au sujet des Canadiens. Il s’agit de la démocratie. Tout comme nous avons souligné le Jour du drapeau hier, je suis fier de la radiodiffusion canadienne, des services canadiens et des entreprises canadiennes, qui risquent toujours d’être engloutis par des entreprises étatsuniennes ou internationales.

À mon avis, ceux qui ne sont pas d’accord avec le projet de loi doivent expliquer ce qui se passera sans lui, ou alors ils doivent proposer une solution de rechange réaliste. Jusqu’à présent, je n’en ai entendu aucune, mais je suis certainement tout ouïe.

J’aimerais également que le CRTC nous en dise plus sur la manière dont il va appliquer cette loi, qui constituera, d’ailleurs, un nouveau secteur d’activité pour l’organisme.

Sur ce, chers collègues, je dirai que je suis favorable au projet de loi C-18, mais que je garde l’esprit ouvert à ce stade. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que nous devons de toute urgence réduire la pauvreté chez les Canadiens handicapés.

Comme le savent probablement la plupart des personnes présentes dans cette enceinte, ce projet de loi pourrait aider directement bon nombre de personnes que nous connaissons et que nous aimons, qu’il s’agisse de membres de nos familles ou d’autres personnes que nous côtoyons. Malheureusement, dans sa forme actuelle, ce projet de loi promet mers et mondes, mais il comprend des lacunes quant à la mise en œuvre. On nous dit qu’il vise à sortir des personnes handicapées de la pauvreté, mais, d’après son libellé, il se pourrait qu’il ne puisse pas les sortir de cette situation défavorable.

Malheureusement, le gouvernement veut faire adopter à la hâte un projet de loi qui n’a de prometteur que le nom. Bien qu’il s’appuie sur de bonnes intentions, plus particulièrement le désir d’offrir aux Canadiens handicapés la possibilité d’obtenir de l’aide, de vivre dans la dignité et d’assurer leur stabilité financière, le projet de loi C-22 ne comprend aucune mesure financière concrète. Il n’établit aucun montant minimal. Si on n’établit pas de seuil minimal pour la prestation, l’aide qui serait offerte concrètement dans le cadre de ce projet de loi pourrait correspondre à aussi peu que 1 $ par mois, ou être tout simplement inexistante.

La prestation canadienne pour les personnes handicapées ne sera versée à personne, pas même aux gens qui en ont le plus besoin, tant que le gouvernement ne prendra pas une série de mesures réglementaires pour établir en détail le montant de la prestation et les critères d’admissibilité. Pire encore, il n’y a aucune exigence pour que les mesures réglementaires nécessaires soient prises avant l’entrée en vigueur du projet de loi.

Résultat? Le projet de loi C-22 ne garantit pas du tout une prestation canadienne pour les personnes handicapées. Il ne fixe aucun délai pour le début du versement de la prestation. Il exclut également près d’un tiers des personnes handicapées au Canada uniquement en raison de leur âge, peu importe leur degré de pauvreté. Les réalités d’être une personne handicapée vivant dans la pauvreté ne disparaissent pas quand on atteint l’âge de 65 ans; pourtant, tel qu’il est rédigé, le projet de loi ne reconnaît pas les effets cumulatifs et les besoins correspondants associés au handicap, à la pauvreté et au vieillissement.

Que faut-il en comprendre? Le projet de loi C-22 permet au Cabinet fédéral de décider en secret de tous les détails, y compris le montant des prestations, à quel moment les personnes qui finiront par y avoir droit pourront les recevoir, et s’il y aura des versements tout court. Dès lors, qu’est-ce qui empêcherait le Cabinet ou tout autre futur Cabinet de vider cette mesure de sa substance par un vote tout aussi peu transparent, à huis clos? Ce projet de loi exige, peut-être injustement, une énorme confiance de la part des personnes les plus marginalisées et défavorisées de nos communautés.

La perspective d’une récupération des autres prestations versées aux personnes bénéficiant de mesures de soutien provinciales ou territoriales pour les personnes handicapées préoccupe beaucoup d’entre nous, y compris la ministre elle-même. Le gouvernement n’a rien fait pour veiller à ce que les finances des provinces et des territoires ne soient pas privilégiées au détriment des besoins et du bien-être des personnes handicapées.

Dans le même ordre d’idées, il existe de nombreuses préoccupations concernant le fait que rien n’empêche les actionnaires des compagnies d’assurance de bénéficier d’une manne financière par le biais de mesures de récupération ou de déductions appliquées aux prestations versées aux personnes handicapées en raison de leur police d’assurance. En l’absence d’interdiction de ces pratiques employées par les compagnies d’assurance privées, les bénéficiaires de la prestation canadienne pour personnes handicapées pourraient ne recevoir aucune prestation supplémentaire ou même recevoir des prestations inférieures à celles qu’ils reçoivent actuellement.

Comme le sénateur Cotter et d’autres l’ont reconnu, plutôt que d’atteindre son objectif de réduction de la pauvreté chez les personnes handicapées, la prestation canadienne pour personnes handicapées pourrait contribuer à alimenter les coffres des provinces et à accroître les profits des compagnies d’assurance privées, et ce, sans entraîner de réduction correspondante des primes d’assurance. Les contribuables pourraient donc se retrouver dans une situation où ils alimentent indirectement et involontairement les profits des compagnies d’assurance privées ou les coffres des provinces.

(1510)

Les personnes handicapées se font dire qu’elles doivent faire confiance à la ministre, au gouvernement et aux fonctionnaires. Beaucoup de personnes sont désespérées et ont été clairement amenées à croire que si elles n’acceptent pas la version actuelle du projet de loi, malgré ses lacunes, elles ne recevront rien. Elles doivent choisir entre risquer de ne rien recevoir et faire le pari de se fier au processus gouvernemental et encore risquer de ne rien recevoir.

Dans quel univers peut-on considérer ce genre d’ultimatum comme un choix? Elles ont été encouragées à croire que les promesses du gouvernement sont suffisantes et qu’elles pourront payer leur loyer et remplir leur réfrigérateur.

Voilà ce qui se passe. Il est déchirant de constater le désespoir que nous suscitons alors que nous pourrions faire tellement mieux.

Comme l’ont souligné plusieurs commentateurs, le projet de loi est formulé comme s’il était fondé sur la bienfaisance plutôt que sur les droits fondamentaux.

J’aime la ministre Qualtrough et j’ai confiance en ses intentions, mais le gouvernement promet la prestation depuis trois ans. C’est à juste titre que de nombreuses personnes handicapées tirent la sonnette d’alarme et nous demandent de ne pas les obliger à simplement espérer et faire confiance.

Les Canadiens handicapés sont désespérés. Comme la sénatrice Coyle l’a souligné, ici en Ontario, une personne célibataire admissible au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées reçoit un maximum de 1 228 $ par mois. Cette somme ne permet pas de vivre dans la dignité puisqu’elle se situe plusieurs centaines de dollars sous le prix moyen des logements au Canada, y compris dans cette ville-ci. En ce moment, les Canadiens sans handicap de la classe moyenne ont du mal à payer l’épicerie et le logement, et la situation des Canadiens handicapés est encore plus difficile.

Des défenseurs des droits des personnes handicapées ainsi que des personnes handicapées ont signalé que, comme elles n’ont pas les ressources nécessaires pour bâtir une vie qui vaut la peine d’être vécue, certaines personnes renoncent. Des éléments de preuve de plus en plus nombreux montrent que beaucoup de personnes qui dépendent de prestations d’invalidité se trouvent coincées dans une pauvreté sans issue. On entend aussi qu’un manque d’options et l’absence d’un soutien social, économique et sanitaire adéquat peuvent être mortels. Fait horrible, quelques personnes ont demandé l’aide médicale à mourir en invoquant, comme raison, une pauvreté durable et apparemment sans issue.

Le projet de loi C-22 suit un modèle maintes fois répété par les gouvernements, qui offrent des solutions précaires et irréfléchies qui ne répondent pas aux besoins des personnes les plus vulnérables de nos collectivités.

On a souvent entendu qu’il faut éviter que le mieux devienne l’ennemi du bien et qu’on ne peut pas attendre le projet de loi parfait. Je conviens qu’il n’y aura jamais de projet de loi parfait. La question n’est toutefois pas de savoir si le Sénat peut rendre cette mesure parfaite, mais bien de voir s’il peut améliorer ce qui a été fait à l’autre endroit pour arriver à un meilleur projet de loi, qui donnera aux personnes handicapées certains droits et ne les forcera pas à se contenter d’espoir et de confiance. Dans les faits, nous poussons des gens dans des situations tellement incapacitantes que bon nombre d’entre eux pourraient choisir de mourir à cause de la pauvreté et d’un manque de soins systémique, et parce qu’il devient impossible de vivre quand il est trop difficile d’avoir accès à des choses essentielles comme une alimentation et un logement adéquats. C’est une réalité déplorable, qui pourrait être évitée.

Les Canadiens ayant un handicap ont un besoin criant de soutien. Lors d’une réunion du Caucus anti-pauvreté multipartite qui s’est déroulée ce matin, des experts nous ont priés de faire les choses correctement. Nous avons l’information, le savoir-faire et les ressources pour corriger les lacunes de ce projet de loi. Nous pouvons choisir de tirer des leçons des échecs récurrents des programmes provinciaux et territoriaux de prestations d’invalidité. Nous pouvons choisir de remplir notre mandat et d’agir dans l’intérêt de ces personnes qui sont trop souvent marginalisées ou abandonnées à leur sort.

Comme les sénateurs l’ont rappelé au gouvernement lorsque nous lui avons écrit pour l’inciter à mettre en œuvre cette prestation, si, au bout du compte, la prestation pour personnes handicapées ne permet même pas d’atteindre le seuil officiel de la pauvreté, en choisissant de laisser les gens dans la pauvreté, le gouvernement aura manqué aux obligations du Canada en matière de droits de la personne et notre pays aura manqué à son obligation, selon l’alinéa 36(1)c) de la Charte des droits et libertés, de fournir, « [...] à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels ».

Tel qu’il a été rédigé, le projet de loi C-22 est un modèle universel qui permettra probablement d’aider la classe moyenne, mais qui négligera les Canadiens handicapés les plus pauvres. Comme la sénatrice Seidman l’a indiqué dans son discours, de nombreux groupes de personnes handicapées ont généreusement fourni quelques moyens très clairs d’éviter ce résultat involontaire.

Premièrement, ils nous exhortent à faire en sorte que le projet de loi C-22 comprenne des lignes directrices nationales exigeant un niveau minimal de financement pour tous les bénéficiaires. Deuxièmement, ils recommandent de l’amender afin de prévenir des obstacles administratifs inutiles, comme un processus de demande compliqué qui oblige les bénéficiaires à prouver périodiquement qu’ils sont toujours handicapés. Ils veulent aussi que le projet de loi comprenne un processus de plainte ou d’appel permettant d’enquêter au sujet des refus ou des récupérations injustes et de corriger la situation. Enfin, ils recommandent que le projet de loi exige que le gouvernement fédéral verse immédiatement la prestation canadienne pour les personnes handicapées à toutes les personnes qui répondent aux exigences des gouvernements provinciaux ou territoriaux et qu’il ne récupère pas ensuite les prestations provinciales, peu importe les ententes avec les gouvernements provinciaux ou territoriaux.

Sans aucun doute, nous savons que la ministre Qualtrough défend l’intérêt des personnes handicapées. Cependant, elle n’est qu’une députée et un membre du Cabinet, et pour une raison quelconque, elle n’a pas été en mesure de remédier aux lacunes de ce projet de loi.

Le projet de loi C-22 est bien intentionné, mais les personnes handicapées au Canada qui vivent dans la pauvreté méritent mieux. Elles méritent la sécurité.

À mon avis, si nous n’avons qu’une seule chance, prenons le soin de nous assurer que ce projet de loi est bien fait. Nous avons la responsabilité de le faire, et je sais, chers collègues, que nous pouvons le faire. Alors, comme la sénatrice Seidman nous l’a demandé hier, faisons notre travail.

Meegwetch, merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-39

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 15 février 2023, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou pratique habituelle :

1.le Sénat se forme en comité plénier à 14 h 50 le mercredi 8 mars 2023 afin d’étudier la teneur du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin du comité plénier;

2.si la sonnerie d’appel pour un vote retentit au moment où le comité doit se réunir, elle cesse de se faire entendre pendant le comité plénier et retentisse de nouveau une fois les travaux du comité terminés pour le temps qu’il reste;

3.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-39 reçoive l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé, accompagnés d’un total d’au plus trois fonctionnaires;

4.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-39 lève sa séance au plus tard 65 minutes après le début de ses travaux;

5.les remarques introductives des témoins durent un total maximum de cinq minutes;

6.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-32(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;

7.la séance continue au-delà de 16 heures, s’il y a lieu, et soit levée une fois les travaux du comité plénier terminés.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 15 février 2023, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 7 mars 2023, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1520)

Le Code criminel
La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour amorcer la troisième lecture du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).

À titre de rappel, ce projet de loi n’émane pas du gouvernement. Il est issu de l’initiative de la députée de Dorval—Lachine—LaSalle, Anju Dhillon, avocate en droit familial et pénal. Elle est appuyée par la députée d’Oakville-Nord—Burlington, Pam Damoff, secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique et par la députée de York-Centre, Ya’ara Saks, secrétaire parlementaire de la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

[Traduction]

Ces trois femmes dévouées ont réussi à faire adopter cette loi à l’unanimité à l’autre endroit. Je suis fier de travailler avec ces députées sur le projet de loi. Je crois que le système judiciaire a ignoré les signes de violence familiale pendant trop longtemps. Cette situation est attribuable au fait que l’on comprend mal les impacts à long terme de la violence familiale sur l’autre conjoint et les enfants, y compris les risques pour leur santé, leur développement et même leur vie.

Je tiens aussi à vous remercier, chers collègues, de votre soutien et à souligner les contributions de certains d’entre vous.

Premièrement, je remercie le porte-parole, le sénateur Manning, qui a rempli son rôle de façon amicale. Soit dit en passant, j’appuie son projet de loi S-249, qui propose d’établir une stratégie nationale pour lutter contre la violence entre partenaires intimes.

Deuxièmement, je remercie la sénatrice Hartling de son discours à l’étape de la deuxième lecture et de ses réflexions sur les questions difficiles de la violence entre partenaires intimes, de la violence familiale et du contrôle coercitif dans les contextes familiaux.

Troisièmement, je remercie les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui ont accepté d’examiner rapidement le projet de loi après l’examen du projet de loi S-205 du sénateur Boisvenu. Ce projet de loi propose également de modifier le Code criminel afin de promouvoir l’utilisation de dispositifs de surveillance à distance dans les cas de violence entre partenaires intimes.

Enfin, je tiens à rendre hommage à la Dre Jennifer Kagan-Viater et à son conjoint Philip Viater, avocat. Ils consacrent tous deux énormément de temps et d’énergie à changer les idées préconçues dans notre système judiciaire afin d’empêcher, dans la mesure du possible, des tragédies comme celle qu’ils ont vécue le 9 février 2020.

Ce jour-là, la fille de la Dre Kagan-Viater, Keira, âgée de quatre ans, a perdu la vie alors qu’elle passait du temps avec son père, un individu considéré comme violent et dominateur. L’accès avait été accordé malgré les nombreuses tentatives de sa mère d’avertir du danger tous les intervenants dans leur procédure de divorce, notamment plusieurs juges.

Grâce au projet de loi C-233, nous enverrons à la société canadienne le message suivant, en mémoire de la petite Keira : Un mari violent et dominateur représente toujours un danger pour sa conjointe et ses enfants.

Comme la sénatrice Hartling l’a déclaré : « Tout acte de violence contre un partenaire intime est un acte de violence contre toute la famille de cette personne, plus particulièrement ses enfants [...] »

Les intervenants du système judiciaire n’ont pas tenu compte de cette violence, car ils n’étaient pas formés aux risques associés à la violence familiale.

On peut espérer que ce projet de loi ainsi que les dernières modifications apportées à la Loi sur le divorce permettront de changer les mentalités à l’égard de la violence familiale au sein du système judiciaire. Ce changement de mentalité devrait permettre de prévenir ou du moins de réduire considérablement le nombre de tragédies liées à la violence familiale.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler brièvement du contenu du projet de loi C-233.

[Français]

Je rappelle que ce projet de loi s’articule autour de deux propositions de modifications législatives.

Tout d’abord, le projet de loi propose de modifier la Loi sur les juges afin d’inviter fortement le Conseil canadien de la magistrature à offrir de la formation sur les questions liées à la violence entre partenaires intimes et au contrôle coercitif.

L’objectif ultime est d’avoir des juges formés et sensibilisés à la nécessité de prendre en compte des indices de violence lors d’une décision touchant la garde ou les droits d’accès d’un enfant.

Cette partie du projet de loi C-233 est souvent désignée « Loi Keira » à la mémoire de cette fillette dont j’ai brièvement parlé tantôt et qui est morte il y a plus de trois ans.

[Traduction]

Cette partie du projet de loi C-233, qui modifie la Loi sur les juges, concerne spécifiquement les juges nommés par le gouvernement fédéral, pas ceux nommés par les provinces. La Loi sur les juges, comme vous le savez maintenant, porte sur la rémunération, les avantages et la formation des juges. Elle porte aussi sur la façon de traiter les plaintes concernant la conduite des juges nommés par le gouvernement fédéral, comme je l’ai expliqué lorsque j’ai pris la parole au sujet du projet de loi C-9 et, plus tôt aujourd’hui, lorsque le sénateur Cotter a pris la parole au sujet de ce projet de loi.

Évidemment, les juges nommés par le gouvernement fédéral ne représentent qu’un élément du système juridique, un élément qu’on pourrait en quelque sorte qualifier de mineur.

En vérité, la violence familiale est un problème avec lequel les policiers, les travailleurs sociaux, les thérapeutes matrimoniaux et familiaux, les juges provinciaux et les procureurs de la Couronne sont souvent aux prises. Or, ils sont tous assujettis aux lois des provinces.

Cependant, en adoptant cette modification à la Loi sur les juges, le Parlement ne se contentera pas de souligner l’importance de la formation continue pour les juges nommés par le gouvernement fédéral en matière de violence familiale et de contrôle coercitif exercé dans les relations entre partenaires intimes et les relations familiales; il enverra un puissant signal aux provinces, aux territoires et à tous ceux qui gravitent autour du système juridique leur indiquant qu’ils doivent aller dans la même direction. Nous ne pouvons plus ignorer la violence familiale et les effets dévastateurs qu’elle a sur les enfants.

D’ailleurs, la Dre Kagan-Viater, M. Viater et de nombreux groupes concernés par la violence familiale font campagne pour demander aux provinces d’adopter des mesures. La Dre Kagan-Viater m’a dit que Queen’s Park envisageait de modifier les lois de la province afin que les juges que cette dernière nomme, les procureurs de la Couronne et les policiers reçoivent de la formation.

[Français]

Ensuite, le projet de loi C-233 ajoute à l’article 515 du Code criminel une disposition qui invite expressément les juges et les avocats, dans le cadre d’une ordonnance de remise en liberté avant procès d’un prévenu inculpé d’une infraction contre son partenaire intime, à devoir considérer, pour la sécurité de la victime alléguée, l’imposition à l’accusé du port d’un dispositif de surveillance à distance.

Bien sûr, l’imposition du port d’un dispositif de surveillance n’est possible que si un tel appareil est disponible dans la région concernée.

(1530)

Comme je l’ai mentionné lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, il faut souligner les développements récents en cette matière dans plusieurs provinces. Au Québec, par exemple, des modifications législatives et réglementaires récentes et l’octroi d’un financement pour cinq ans ont permis de mettre progressivement en place un système de fourniture d’équipement et de surveillance continue de personnes accusées ou condamnées pour des infractions en matière de violence entre partenaires intimes.

Je rappelle que les 18 premiers mois de la séparation constituent le terreau le plus fertile aux manifestations de violence et parfois même au féminicide. C’est justement cette période à haut risque qui est visée par l’ajout proposé à l’article 515 du Code criminel. Cette modification prévoit que le tribunal, à la demande du procureur général de la province, peut imposer, comme condition de remise en liberté d’une personne accusée d’une infraction liée à la violence envers un partenaire intime, le port d’un dispositif de surveillance électronique. Il peut s’agir d’un dispositif de contrôle des mouvements, afin de s’assurer que l’accusé se trouve bien dans le lieu où il a été confiné, ou d’un dispositif de géolocalisation afin de s’assurer que l’accusé respecte en tout temps les modalités de l’ordonnance d’interdiction de contact que le tribunal lui a imposée.

Comme l’a justement souligné la sénatrice Boniface, la violence entre partenaires intimes en milieu rural et en milieu urbain pose des défis précis et impose la mise en place d’un accès adéquat à Internet ou à tout autre moyen de communication approprié.

Au-delà de l’accès à des moyens de communication pour assurer la surveillance, il faut aussi, comme l’a dit le sénateur Boisvenu, donner aux hommes violents les moyens d’avoir accès à des soins et s’engager dans la prévention.

Comme d’autres sénateurs l’ont mentionné, dont la sénatrice Pate, il faut surtout s’attaquer aux causes de cette violence.

Je peux ainsi reprendre l’image qu’avait utilisée la sénatrice Hartling. Comme elle l’a si bien dit, l’éradication de la violence entre partenaires intimes s’apparente à la construction d’une maison. Nous avons besoin de fondations, mais aussi de murs et d’un toit.

Il nous faut une stratégie globale axée sur la prévention, le dépistage et l’intervention rapide.

Ainsi, ce projet de loi représente une avancée et un pas supplémentaire dans la bonne direction. Il est peut-être incomplet, mais très utile.

[Traduction]

Conscients que cette approche globale est nécessaire, les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont joint à leur rapport l’observation suivante :

Conformément aux témoignages concernant l’urgence de s’attaquer à ce problème dans notre société, le comité encourage le gouvernement à investir davantage de ressources dans des initiatives visant à améliorer les soutiens financiers, sociaux et sanitaires qui contribuent à assurer : la capacité et les ressources pour les soutiens émancipateurs contre la violence, les centres, y compris les refuges pour femmes, les soutiens financiers, un traitement plus réceptif et respectueux des victimes par la police et les autorités chargées des poursuites, et des interventions efficaces pour interrompre et traiter la violence misogyne et raciste, y compris avec les agresseurs.

Pour concevoir une approche globale de la violence entre partenaires intimes et de la violence familiale, les gouvernements du Canada, des provinces et des territoires devraient sérieusement étudier le modèle espagnol. J’y ai fait longuement référence lors de mon discours de deuxième lecture.

Ce modèle comprend notamment des tribunaux spécialisés, des policiers formés à cet effet, une campagne efficace de sensibilisation du public à la violence domestique, une plateforme de renseignements gérée par les policiers et les différentes institutions qui s’occupent des femmes victimes de violence, et un centre de commandement de surveillance électronique relié à ce qui était alors appelé le ministère espagnol de la Santé, des Services sociaux et de l’Égalité, qui est chargé de contrôler 24 heures sur 24 les bracelets utilisés en Espagne.

[Français]

Honorables sénateurs, je sais à quel point cette Chambre a à cœur de faire avancer les choses sur la question si sensible de la violence entre partenaires intimes et de la violence familiale.

Je vous invite donc à adopter ce projet de loi avec diligence, afin que sa mise en œuvre se fasse le plus rapidement possible, ce qui permettra de sauver des vies. Il ne doit pas y avoir d’autre Keira.

[Traduction]

Merci de votre attention, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Tarif des douanes

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Ataullahjan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant le Tarif des douanes (marchandises en provenance du Xinjiang).

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Dupuis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, déposé par l’honorable Lucie Moncion le 30 novembre 2022.

Comme vous le savez déjà, chers collègues, la cause des jurés me tient particulièrement à cœur. C’est pour cette raison qu’il était très important pour moi de déposer et de faire adopter, au cours de cette législature, le projet de loi S-206, qui vise à soutenir les jurés qui ont besoin de soutien psychologique à la suite de traumatismes subis durant un procès criminel. Je tiens à remercier la sénatrice Ataullahjan, qui avait été désignée comme porte-parole du projet de loi S-252, de m’avoir cédé sa place.

Le devoir de juré est la pierre angulaire de notre système de justice. Grâce à votre professionnalisme, votre sensibilité et votre sens du devoir, le projet de loi S-206 a été adopté et permettra enfin à de nombreux jurés de recevoir le soutien dont ils et elles ont besoin pour tenter de retrouver une paix intérieure amplement méritée.

Ensemble, nous avons donc reconnu qu’il est essentiel que les jurés puissent dorénavant consulter un spécialiste en matière de santé mentale sans que la divulgation d’informations confidentielles obtenues dans un procès et mentionnées lors d’une consultation ne soit considérée comme une infraction criminelle.

(1540)

Chers collègues, nous avons montré le bon exemple en remplissant cette mission principale : être à l’écoute et au service des Canadiens et à l’écoute de la voix des plus vulnérables.

Aujourd’hui, nous sommes invités de nouveau à nous pencher sur la question des jurés alors que nous en sommes à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-252, qui a pour objectif d’instituer, sous forme de loi, une Semaine nationale d’appréciation de la fonction de juré. Cette semaine serait soulignée chaque année au cours de la deuxième semaine du mois de mai.

En parrainant ce projet de loi, la sénatrice Moncion souhaite que cette Semaine nationale d’appréciation de la fonction de juré devienne un rendez-vous consacré à la sensibilisation de l’importance des responsabilités très difficiles qu’ont les jurés. L’un des buts du projet de loi est donc de souligner leur travail au sein de notre système de justice et de renforcer leur contribution quotidienne à la démocratie canadienne, qui est trop souvent tenue pour acquise.

J’aimerais vous citer à cet effet un passage du préambule du projet de loi S-252 :

que la désignation d’une semaine vouée à l’appréciation de la fonction de juré permettra de souligner le travail des jurés et de conscientiser les citoyens, les organismes, l’ensemble de l’appareil judiciaire ainsi que les gouvernements provinciaux et fédéral aux enjeux relatifs à l’exercice de ce devoir civique,

Honorables sénateurs, conscientiser les Canadiens à ce devoir civique me semble essentiel, alors que tous les jours, de nombreux procès criminels se déroulent dans les cours de justice partout au pays et que de plus en plus de citoyens sont par conséquent appelés à mettre leur vie sur pause pour servir la justice.

Ce n’est pas la première fois que je mentionne à quel point l’expérience que peut vivre un juré durant un procès criminel est difficile et à quel point elle peut causer des traumatismes et laisser de profondes séquelles psychologiques. Les jurés sont souvent exposés à des preuves troublantes et graphiques.

Les jurés, femmes et hommes, doivent examiner les preuves lors de procès criminels liés à des crimes très violents contre des femmes ou des enfants, des meurtres sordides survenus lors de drames familiaux, des agressions sexuelles violentes, des règlements de comptes dans le milieu du crime organisé et j’en passe.

Il n’existe aucune formation pouvant préparer adéquatement ces citoyens à devenir membres d’un jury; personne ne peut donc s’y préparer. Il n’y a que le hasard qui peut vous appeler à remplir ce devoir très exigeant, et ce hasard peut faire de vous une victime du système de justice alors que vous lui rendez service.

Permettez-moi de faire une comparaison en toute connaissance de cause en vous rappelant à quel point la Semaine nationale des victimes et survivants d’actes criminels, instaurée en 2006, est importante et nécessaire pour elles, pour faire progresser leurs droits, améliorer les services de soutien et sensibiliser la population canadienne à leur cause.

Être juré dans un procès difficile où il est question d’actes criminels est souvent traumatisant; aucune préparation n’est possible, et nous devons donc mieux soutenir ces personnes et sensibiliser adéquatement la population à leur réalité, pour que nous puissions tous faire partie de leur guérison.

Honorables sénateurs, je suis convaincu que, comme moi, vous considérez que le projet de loi de la sénatrice Moncion est un bon moyen de sensibiliser les différents intervenants du système de justice, ainsi que les différents ordres de gouvernement, aux enjeux relatifs à la fonction de juré et fait qu’il est essentiel de les soutenir, une fois leur travail accompli.

Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Moncion a cité en exemple le travail inlassable et éprouvant de Mark Farrant, président de la Commission canadienne des jurés, pour faire avancer la cause de la reconnaissance des jurés. J’aimerais, chers collègues, citer un passage du discours de la sénatrice Moncion à ce sujet :

Mark Farrant a été juré dans un procès pour meurtre au premier degré en 2014. Il a contribué à attirer l’attention sur le besoin d’offrir plus de soutien aux jurés au Canada. À partir de son expérience, il a identifié les lacunes dans les mesures d’aide offertes aux jurés et il a découvert qu’il n’était pas le seul dans sa situation. Mark a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique après un procès et il a eu de la difficulté à obtenir du soutien en Ontario, où il habitait. En 2016, ses démarches pour faire valoir ses droits ont contribué à ce que le gouvernement de l’Ontario mette sur pied un programme de counseling gratuit pour les anciens jurés.

En 2017, afin de réaliser des progrès à l’échelle nationale, Mark a porté sa cause à l’attention des parlementaires et des représentants du gouvernement avec un document connu sous le nom des « 12 lettres de colère ». Dans ces lettres, 12 anciens jurés rapportent leur souffrance et leurs luttes pour obtenir de l’aide afin de gérer les symptômes découlant du traumatisme causé par leur expérience de jurés.

En terminant, ce ne fut que cette année, soit sept ans après le procès auquel Mark Farrant a participé en tant que juré, qu’un projet de loi a finalement été adopté pour permettre aux jurés d’aller chercher du soutien psychologique en cas de besoin.

Pour compléter notre important travail relativement à cette cause et ainsi la bonifier, pour mieux aider les anciens jurés qui militent pour cette reconnaissance bien méritée et pour les futurs jurés qui serviront le système de justice à leur tour, je suis heureux de donner mon appui sans détour aux démarches entreprises par notre collègue la sénatrice Moncion, qui souhaite faire reconnaître la Semaine nationale d’appréciation de la fonction de juré. Comme elle a elle-même été jurée lors d’un procès très difficile et traumatisant — elle en a d’ailleurs fait le récit lors de l’étude du projet de loi S-206 dans cette Chambre —, je tiens de nouveau à saluer au passage son courage et sa détermination dans la réalisation de cet objectif, qui est de donner aux jurés toute la considération qu’ils méritent pour le devoir qu’ils accomplissent chaque jour au service de la justice au Canada.

Être la voix de personnes qui ont vécu des drames n’est pas une tâche facile, je le sais, mais elle est indispensable pour faire progresser des causes humaines comme celle-ci. Avoir une voix comme la nôtre au Sénat est un privilège, et je suis fier de la porter pour ceux et celles qui ne peuvent pas se faire entendre. Honorables sénateurs, je suis convaincu que vous donnerez suite à l’appui que vous avez donné en vue de l’adoption du projet de loi S-206 en adoptant ce projet de loi rapidement et d’un commun accord. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L’étude des questions concernant les droits de la personne en général

Adoption du cinquième rapport du Comité des droits de la personne et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du cinquième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Restrictions du Canada sur l’aide humanitaire à l’Afghanistan, déposé au Sénat le 14 décembre 2022.

L’honorable Salma Ataullahjan propose :

Que le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Restrictions du Canada sur l’aide humanitaire à l’Afghanistan, qui a été déposé au Sénat le 14 décembre 2022, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Justice et procureur général du Canada étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et le ministre du Développement international et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Pacifique Canada.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1550)

Le rôle et le mandat de la GRC

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Harder, c.p., attirant l’attention du Sénat sur le rôle et le mandat de la GRC, les compétences et capacités nécessaires pour que celle-ci remplisse son rôle et son mandat et comment elle devrait être organisée et dotée de ressources au XXIe siècle.

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, cet article a été ajourné au nom de la sénatrice Busson, et je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, le reste de son temps de parole sur cet article lui soit réservé.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole pour intervenir au sujet de l’interpellation du sénateur Harder concernant la Gendarmerie royale du Canada — la GRC —, ses rôles et son mandat.

Comme certains d’entre vous le savent, j’ai eu le plaisir de servir dans la République d’Irlande quand j’étais plus jeune, et j’ai pris part à la création d’un inspectorat visant à superviser la réforme et la modernisation de son service de police national. Plus particulièrement, nous examinions sa structure, son mandat, ses rôles et ses responsabilités. C’est dans cette optique que je parlerai de la GRC.

La Garda, comme on l’appelle en Irlande, exerce des mandats locaux, régionaux, nationaux et internationaux au nom de la république et de ses 3,5 millions d’habitants. Ce que j’ai appris en travaillant là-bas, et je crois que cela s’applique parfaitement au Canada, c’est que l’histoire policière s’inscrit dans l’histoire nationale. Je pense qu’on peut dire la même chose à propos de la GRC. À la base, les problèmes au sein de la GRC sont de nature structurelle. Cent cinquante ans après la création de la GRC, il est temps de mettre en place un service de police adapté aux besoins.

La GRC sert 8 provinces, 3 territoires et 150 municipalités, dont certaines comptant jusqu’à 1 million d’habitants, de même que de vastes territoires ruraux et du Nord parsemés de petits villages. Elle maintient l’ordre dans des centaines de collectivités des Premières Nations et inuites. Cela dit, j’estime que son rôle le plus important est celui de force de l’ordre fédérale, car c’est ce qui fait que notre pays demeure un lieu sûr. La GRC lutte, à l’échelle nationale et internationale, contre le crime organisé, la cybercriminalité, les fraudes majeures, la traite de personnes, la contrebande de stupéfiants, le terrorisme et d’autres menaces d’envergure à la sécurité de notre pays ayant une incidence sur nous tous.

Si on l’examine à l’échelle mondiale, le maintien de l’ordre représente un vaste mandat qui, depuis un siècle, est demeuré principalement inchangé. Il s’agit d’un mélange de responsabilités et d’obligations redditionnelles qui, inévitablement, embrouille les cartes plutôt que d’offrir plus de clarté. Évidemment, c’est la difficulté qui découle de la fédération sur laquelle repose notre pays, mais c’est également le fondement sur lequel la GRC a été fondée et, en retour, c’est là qu’elle s’est développée.

En ce qui concerne la GRC, je crois qu’il existe un obstacle structurel au maintien de l’ordre au Canada, une structure organisationnelle qui, en dépit des efforts individuels et collectifs, ne sert ni l’intérêt de l’organisation ni celui des citoyens. En tant que Canadiens, nous devons fournir à notre service de police fédéral le financement et les ressources dont il a besoin pour relever les défis de demain. Les technologies ont complètement révolutionné le monde, mais je peux vous assurer qu’elles ont tout particulièrement transformé le monde de la criminalité et de la lutte contre la criminalité.

Ce point a été renforcé dans le rapport du Groupe de travail Brown en 2007, il y a plus de 15 ans. Ce rapport soutenait que :

[...] le modèle de gouvernance de la GRC demeure un modèle et un style de maintien de l’ordre élaborés à une autre époque.

Ni des changements progressifs ni des réformes menées à l’interne ne feront de la GRC le service de police que notre époque réclame. Il faut un changement structurel. Un tel changement de mandat doit être mené par le gouvernement — il ne peut être mené de l’intérieur — et les gouvernements successifs n’ont pas pris cette initiative.

Dans le cadre de cette enquête, nous devons nous poser plusieurs questions. Un service de police fédéral moderne devrait-il fournir des services policiers sur une base contractuelle à 8 provinces, 3 territoires, 150 municipalités ainsi qu’à des centaines de localités rurales et de Premières Nations? Je soutiens que nous devrions avoir une image très claire de ce que nous voulons comme résultat avant de nous engager dans cette direction. Cela nécessiterait également de légiférer et d’obtenir la collaboration des provinces, qui sont responsables des services policiers. Comme nous l’avons vu en observant la transition des services de police dans la ville de Surrey, cela peut être un désordre compliqué et chaotique.

Les deux tiers du personnel de la GRC travaillent à offrir des services de police contractuels. Kevin Lynch, dans un récent rapport, a dit :

[L]es véritables obstacles à l’abandon des services de police contractuels sont principalement des obstacles politiques, à l’échelle fédérale et provinciale, et non des obstacles opérationnels. Ce qui est en cause, c’est l’inaction ainsi que des facteurs historiques et culturels.

Je crois sincèrement que l’indifférence du milieu politique y contribue également. Le résultat, c’est qu’on ne fournit pas de ressources adéquates pour renforcer des aspects cruciaux des services de police fédéraux au Canada, ce qui peut gravement compromettre la sécurité publique dans l’ensemble du pays.

Vous savez autant que moi que la situation actuelle est complexe. La GRC doit implanter une culture moderne et des principes clairs en matière de leadership, et cela devra se refléter dans les mesures de recrutement, de formation et de perfectionnement. Les mesures de formation doivent être adaptées en fonction des objectifs de l’organisation.

Le Canada doit aussi adopter un nouveau modèle en ce qui concerne les services de police autochtones. L’Ontario a fait bien des progrès à cet égard depuis que la première entente tripartite de cinq ans a été conclue, au début des années 1990. J’ai eu le privilège d’être présente lors de la signature de cette entente, et j’ai vu de près comment les services de police des Premières Nations ont pu se développer et croître dans l’ensemble de la province. Ils se sont très bien établis.

Au sein des communautés autochtones, les agents de la GRC en uniforme sont souvent perçus comme un reflet du passé colonial. On ne devrait pas maintenir l’approche actuelle. Pour qu’on puisse rendre des comptes adéquatement, il faut mettre en œuvre un modèle de services de police adapté aux besoins des Premières Nations.

Le gouvernement doit doter cette GRC adaptée aux besoins de ressources adéquates pour qu’elle puisse être un service de police sophistiqué et efficace doté d’un mandat bien défini. Les changements structurels proposés et toute mesure transitoire connexe ne seront pas bon marché, mais ils sont nécessaires. L’inaction ne fera qu’exacerber les problèmes, ce qui devrait être une perspective très peu attrayante pour tout futur gouvernement, tous partis confondus.

Le processus de réforme est difficile. Il exige une large compréhension publique de son objectif. Par ailleurs, la réforme structurelle devra notamment être fondée sur la consultation des intervenants, nommément les provinces, les municipalités et le public.

Le Canada a longtemps eu tendance à sous-financer ses obligations à l’égard du maintien de l’ordre, du renseignement et de la sécurité. Cet échec s’accompagne de risques et de conséquences qui ne sont que trop apparents à la GRC aujourd’hui. Il nous faudra un cadre de gouvernance plus efficace et un conseil d’administration doté de pouvoirs suffisants pour assurer une surveillance et une orientation externes efficaces. Le conseil consultatif actuel manque de transparence, de limpidité dans son mandat et d’une surveillance judicieuse.

Je suis toutefois encouragée par la récente nomination de Kent Roach à la présidence du comité consultatif. Beaucoup d’entre nous au Sénat connaissent M. Roach pour ses témoignages devant les comités des affaires juridiques et de la défense. Je pense qu’il apportera de la sagesse à ce poste et qu’il contribuera à apporter les changements nécessaires.

Cependant, nous devons tracer une limite claire et nette entre l’orientation du gouvernement et l’indépendance opérationnelle de la GRC. Cela doit faire partie de l’examen. Aucun gouvernement n’a pris cette question aussi au sérieux qu’il l’aurait dû.

Je pense donc que le Sénat se trouve dans une position exceptionnelle pour entreprendre ce travail, et j’appuie sans réserve la proposition du sénateur Harder. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté, l’ajournement du débat demeure au nom de la sénatrice Busson.

(Le débat est ajourné.)

(À 16 heures, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 7 mars 2023, à 14 heures.)

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